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Les jeux pour favoriser la compréhension et l’apprentissage des élèves

Auteur⋅e : Stéphanie Montigny

Stéphanie Montigny, passionnée de didactique des mathématiques et plus particulièrement de la géométrie, a très rapidement intégré le jeu dans l’apprentissage de ces disciplines en tant que professeure des écoles. Elle a immédiatement constaté les multiples apports de ces dispositifs sur les apprentissages, qui permettent notamment d’aborder de manière pragmatique la triptyque « Manipuler-Verbaliser-Abstraire ».

Présentez-vous

Je suis professeur des écoles sur Lille depuis 22 ans. J’ai enseigné dix ans à temps plein en classe en TPS/PS (1 an) et en cycle 3 pendant neuf ans (CE2, CM1 et CM2). Depuis onze ans, je suis formatrice à l’INSPE de Villeneuve d’Ascq en Master 2 où j’enseigne la didactique des mathématiques et d’autres enseignements complémentaires (sept ans à mi-temps, depuis quatre ans à temps plein). Je suis aussi PEMF (professeur des écoles maître formateur) depuis sept ans.

Comment utilisez-vous le jeu dans vos cours et pourquoi ?

J’ai participé en tant que professeure des écoles à une recherche sur l’enseignement de la géométrie avec deux collègues chercheurs en didactique des mathématiques et ce fut une révélation pour moi. Nous avons travaillé sur plusieurs thèmes dont « comment changer le regard des élèves en géométrie à l’école élémentaire en partant d’un jeu de points pour compléter une figure de restauration ». Nous proposions des situations problèmes aux élèves. Ils ont adoré et moi aussi. Une majorité de mes élèves était motivée, quelles que soient leurs difficultés ou leurs facilités.

Ils entraient très rapidement dans l’activité quand il y avait un défi, des énigmes, des jeux de société, des rallyes mathématiques, etc. Je me suis donc intéressée de plus en plus aux jeux pour favoriser la compréhension, l’apprentissage des élèves. J’ai constaté qu’utiliser des jeux en classe permettait aux élèves d’aborder Le triptyque Manipuler-Verbaliser-Abstraire. Enseigner aussi en maternelle m’a permis de réfléchir aux jeux que je pouvais proposer à mes élèves de CM2. Le cycle 1 est une mine d’or pour le cycle 2 et 3 et il est très intéressant de s’appuyer sur les activités proposées en maternelle notamment l’utilisation de jeux que l’on peut faire évoluer sur les 3 cycles.

Dans mes cours, je présente des jeux à mes étudiants, je les fais jouer quand c’est possible afin qu’ils s’approprient les règles et ensuite je leur demande de les analyser afin de bien comprendre les enjeux, les notions disciplinaires abordées, les objectifs, les compétences que les élèves doivent acquérir. Pour moi, les manipulations mentale et haptique sont très importantes pour faire progresser les élèves.

Qu’est-ce qui a changé dans vos pratiques pédagogiques et/ou dans vos cours en utilisant le jeu ?

Pour mes étudiants, ce qui a changé c’est le plaisir d’enseigner autrement, d’apprendre en jouant. L’utilisation des jeux me semble importante. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faille proposer des jeux en permanence. Il faut aussi faire la part des choses. Quand je construis une séquence et qu’un jeu vient enrichir celle-ci, je n’hésite pas à l’introduire. Il faut que ça fasse sens. Si un futur enseignant prend du plaisir dans une activité qu’il met en oeuvre dans sa classe, il y a de forte chance que les élèves y adhèrent plus facilement.

Selon vous quels sont les intérêts pédagogiques à utiliser le jeu avec vos étudiants ? Quelles en sont les limites ?

Utiliser le jeu en cours favorise la concentration des étudiants ainsi que leur participation qui devient plus active. En général, ils ne restent pas passifs, participent beaucoup plus. Je trouve qu’ils comprennent mieux les différentes notions à enseigner et font plus de liens entre théorie (savoirs de l’enseignant) et pratiques de classe. Cela change leur conception de l’enseignement et montre que l’on peut faire autrement. Très souvent les étudiants viennent avec leurs conceptions sur ce qu’est enseigner, sur ce qu’ils ont vécu en tant qu’élève et reproduisent régulièrement le même schéma. Le jeu leur permet de prendre du recul. Travailler à partir du jeu permet aux étudiants de développer leurs capacités d’initiatives et de créer des situations propices à l’apprentissage des élèves. Analyser un jeu demande des connaissances disciplinaires et didactiques nécessaires pour le faire évoluer lors d’une séquence. Ils se rendent compte eux-mêmes que leur motivation se développe et que cela impacte donc l’entrée dans l’apprentissage.

La pédagogie par le jeu permet aux étudiants de différencier plus facilement en classe, de s’adapter plus aisément aux différents profils d’élèves. Ils se rendent compte que le jeu favorise la concentration et permet à certains élèves d’entrer plus rapidement dans les apprentissages ou de s’intéresser plus facilement à l’activité proposée.

Pour proposer le jeu à l’école, il faut que les étudiants soient en capacité de les analyser, cela veut dire qu’un professeur des écoles ne peut pas proposer un jeu tel quel sans avoir travaillé dessus au préalable, réfléchi aux variables didactiques, à une progression possible dans le temps. Il faut absolument se former, faire des recherches, lire sur le jeu pour bien comprendre les tenants et les aboutissants favorisant l’apprentissage des élèves. Il faut utiliser le jeu à bon escient et surtout que celui-ci ne devienne pas un jeu occupationnel. L’exigence aussi est importante. Le risque est de laisser jouer les élèves en oubliant l’objectif de départ.

Selon vous, le jeu peut-il être utilisé dans tous les contextes pédagogiques ?

Si le jeu proposé a été analysé, bien réfléchi et répond à n’importe quel contexte, alors je répondrais oui. Cependant, il faut toujours prendre du recul et se demander si on a vraiment besoin du jeu dans telle ou telle situation. Il faut que celui-ci ait un intérêt majeur sinon cela ne sert à rien. Le jeu ne doit pas être une excuse pour introduire une séance mais un outil favorisant l’apprentissage.

Que conseillez-vous à des collègues qui n’ont jamais utilisé le jeu dans leurs pratiques mais aimeraient « s’y mettre » ?

Il me semble essentiel de se renseigner auprès de ses collègues qui pratiquent le jeu. On apprend des autres. L’expérience partagée permet de se faire une idée et de décider si oui ou non on se lance. Il faut aussi lire, se former pour bien comprendre les enjeux du jeu à l’école. Si le professeur des écoles est motivé, convaincu de l’intérêt de l’utilisation du jeu, il n’a plus qu’à se lancer.